• Trois Extrêmes : interview de Fruit Chan

    Nous avons rencontré le réalisateur hong-kongais lors de son passage à Deauville pour la projection du film d'horreur à sketches Trois Extrêmes, dont il a réalisé un segment à l'instar du Coréen Park Chan Wook et du Japonais Takashi Miike.

    Connu en France pour avoir réalisé le film indépendant Made in Hong Kong, Fruit Chan nous a accordé une interview lors du Festival du Film Asiatique de Deauville 2005, où un regard était porté sur son travail à travers une sélection de longs métrages. Détendu et souriant, le réalisateur a accepté de revenir sur sa carrière atypique de réalisateur à Hong Kong et sur l'état actuel de l'industrie locale.

    Trois Extrêmes : interview de Fruit Chan

    Caroline et Elodie Leroy : Vous avez commencé votre carrière en travaillant avec des artistes populaires comme Sammo Hung (en tant qu'assistant, ndlr) et Jackie Chan. Qu'est-ce qui vous a conduit à vous tourner vers le cinéma indépendant ?
    Fruit Chan : J'étais tout simplement assistant sur ces films et c'est seulement en 1991 que je suis devenu cinéaste. Après cette première expérience, je me suis rendu compte qu'en réalité, continuer à faire des films commerciaux n'était pas très amusant. J'ai donc arrêté de réaliser des films pendant plusieurs années parce que je n'étais pas libre de faire ce que je voulais. C'est seulement en 1995 ou 1996 qu'une occasion s'est présentée de me tourner de nouveau vers la réalisation. C'est à cette époque que j'ai fait Made in Hong Kong, et c'est ce film qui m'a permis d'asseoir mon statut de cinéaste indépendant. J'ai ainsi découvert qu'il existait à Hong Kong un marché pour le cinéma indépendant, et que je pouvais survivre en faisant ce genre de films.

    Trois Extrêmes : interview de Fruit Chan

    N'est-il pas difficile de faire des films indépendants à Hong Kong, étant donné que le cinéma de Hong Kong suit énormément les modes, les tendances ?
    Évidemment, il est très difficile de réunir des fonds pour tourner un film indépendant à Hong Kong. Pour commencer, il faut demander une aide au gouvernement de Hong Kong. Une fois que l'on a obtenu cette aide, il y a toujours des obstacles, mais il faut savoir que dès l'instant où l'on a du succès, tout devient beaucoup plus facile. En ce qui me concerne, j'ai fait un prêt pour pouvoir tourner Made in Hong Kong et le succès du film m'a permis de demander des fonds auprès des producteurs coréens, japonais et français. A partir de là, tout est devenu plus facile pour moi.

    Les acteurs de vos films sont très naturels, par exemple Sam Lee dans Made in Hong Kong, ou le petit garçon dans Little Cheung. Comment les choisissez-vous, et comment les dirigez-vous ensuite ?
    Le choix des acteurs représente la tâche la plus difficile lorsque je réalise un film. Ces acteurs viennent de milieux très différents et ne sont pas des professionnels au départ. Trouver les personnes qui conviennent le mieux aux rôles et déterminer la meilleure façon de les diriger devant la caméra sont les plus grands défis que j'ai à relever. A chaque fois, il faut consacrer beaucoup de temps lors des répétitions à travailler ensemble afin de s'accorder sur la façon d'aborder les personnages.

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    Vous abordez des thèmes particulièrement difficiles dans vos films, notamment dans la trilogie sur la rétrocession (Made in Hong Kong, Little Cheung et Durian Durian). Vous montrez la pauvreté de certains quartiers de Hong Kong, or cet aspect est très largement occulté dans la plupart des films hongkongais. Est-ce que ces thèmes vous tiennent particulièrement à cœur ?
    En effet, c'est exactement cela que je veux montrer au public. Hong Kong est une ville moderne et il est naturel d'être attiré par sa beauté, son dynamisme. Mais ce qui m'intéresse, c'est ce qu'il y a derrière le masque. Je veux montrer quel genre de société est réellement Hong Kong. Je choisis donc toujours des thèmes qui montrent l'aspect social et humain de la ville. Ce que je cherche à montrer, c'est le quotidien des habitants.

    Pensez-vous qu'il y a eu un changement dans le cinéma de Hong Kong depuis la rétrocession ?
    La plus grande peur que nous avons, en tant que réalisateurs, c'est l'autocensure. Cependant, j'aimerais préciser que ce phénomène n'a pas encore eu lieu. Il est difficile de dire exactement quelle est l'influence de cette rétrocession sur le cinéma de Hong Kong. La plus grande crise à laquelle nous devons faire face en ce moment est plutôt d'ordre financier. Il y a eu la crise financière de 1998 et par la suite, nous avons eu beaucoup plus de mal à rassembler des fonds pour tourner des films. Et simultanément, nous avons perdu beaucoup de parts de marché en Asie à cause de l'arrivée des Coréens, des Thaïlandais, et d'autres pays asiatiques en général qui se sont mis à faire des films. Par conséquent, les films de Hong Kong se vendent moins bien aujourd'hui. Une dernière solution serait bien sûr de se tourner vers le marché chinois, mais le problème est que la Chine est encore un pays communiste et les films reposent en majorité sur des thèmes sociaux. Les réalisateurs à Hong Kong se retrouvent donc en quelques sortes coincés au milieu d'un carrefour sans savoir dans quelle direction aller.

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    Vous venez de tourner un segment de Three: Extreme qui est un film de genre. Est-ce que vous êtes tenté par un retour à un cinéma plus populaire ? Ou s'agissait-il juste d'une expérience parmi d'autres ?
    Le plus important à mes yeux, c'est un bon projet, et ce même s'il s'agit d'un film commercial. Il existe des films commerciaux de très grande qualité. Mon souhait est de pouvoir faire les deux afin de parvenir à survivre dans le cinéma indépendant.

    Propos recueillis par Caroline et Elodie Leroy

    Article publié sur DVDRama.com le 18 mars 2005

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